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10.04.2013

On oublie vite

Après mon cri de l'autre soir, je me suis couché, épuisé nerveusement. Et j'ai alors exprimé une sorte de Kyrie eleison, avec la sincérité d'un homme à bout. Le soir même, je recevais l'appel d'une amie. Bilan : deux heures au téléphone pendant lesquelles l'amie en question m'a parlé de C., me fournissant des éléments d'information comme en réponse à ma supplique. Hier, soirée chez cette amie, qui s'est terminée ce matin. Retour sur C., avec un point de vue inédit. Le résultat – j'ignore par quel miracle –, c'est que je me sens enfin allégé du poids de ce fardeau sentimental qui m'encombrait encore il y a moins de vingt-quatre heures. Cette amie n'a pas fait dans la dentelle et ne m'a pas dit que des choses plaisantes à entendre et pourtant, c'est fini, le dossier C. est classé. Je n'arrive pas à analyser ce qui s'est passé, mais je n'en ai aucune envie : la paix de l'esprit vaut bien quelque incompréhension.

Je retiens tout de même de cet épisode que ma demande a été satisfaite avec une rapidité et une efficacité tout à fait surprenantes. L'hypothèse de l'heureux hasard me paraît très improbable : cette amie prenait certes de mes nouvelles régulièrement, mais pour le coup, c'était à mon tour de l'appeler. Et elle aurait très bien pu ne me faire aucune révélation sur C., dans la mesure où elle continue à la fréquenter. Elle-même m'a expliqué qu'en dépit de sa loyauté envers C., elle se sentait le devoir d'être également honnête envers moi, afin que je tourne la page. Ce qu'elle m'a dit a confirmé au passage la prédiction d'une jeune femme se disant clairvoyante et croisée au détour d'une soirée il y a plus d'un mois...

Peut-être que ce qu'on appelle coïncidences n'est que le fruit de pensées dont on oublie vite qu'on les a formulées. Peut-être que l'univers est organisé à un degré qu'on n'imagine pas et qu'on percevrait bien mieux si on agissait autrement qu'en myope rivé sur les événéments.

07.04.2013

Un cri dans le silence

Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. (Albert Camus, in Le mythe de Sisyphe)

Quand ça te prend à la gorge et qu'il te faut régler la question, là, sur le champ. Quand plus rien n'a de sens. Quand tu attends le coup de téléphone qui n'arrivera plus. Quand tu sais que même si elle te rappelait, tu fais tellement peine à voir que t'aurais honte de montrer ton museau. Quand tu chiales à en crever. Quand tu réponds "tout va bien" et "rien de nouveau sous le soleil" alors que tout va mal et que tu ne vois plus le jour. Quand tu te rends compte que les seules personnes qui croient encore en toi, ce sont tes parents et que tu te demandes combien de temps ça va bien pouvoir durer avant qu'ils ne découvrent le pot aux roses. Quand tu la vois partout dans la rue. Quand tu comprends, avec une lucidité crue, que tu n'es pas apte à vivre en ce monde. Quand le seul truc dont t'as envie c'est de prendre ta voiture minable et de rouler aussi vite que tu pourras la pousser pour la jeter contre un platane. Quand tous les aboiements des caniches humains te semblent dérisoires au regard de l'infini. Quand tu te branles de rage en fantasmant de lui exploser à la gueule. Quand tu piges que la prière ne sert à rien, que personne ne viendra, que tout le monde se contrefout de ce que tu ressens. Quand t'as intégré que t'as déjà perdu, mais que tu grognes encore, comme une bête qui agonise. Quand tu hurles à l'intérieur, parce que faudrait pas que ta douleur dérange les voisins. Quand t'écoutes le même morceau en boucle, jusqu'à avoir la tête qui tourne. Quand t'es si lâche que le vertige que tu ressens alors t'inquiète et te fait te demander si tu n'aurais pas une tumeur ou un anévrisme : clamser, d'accord, mais pas contre ton gré. Quand t'as pas assez de salive pour cracher autant que tu te dégoûtes.

 

29.03.2013

Souviens-toi

Je disais qu’un fait d’une importance prodigieuse avait échappé à la psychologie occidentale, à savoir : que nous ne nous rappelons pas nous-mêmes, que nous vivons, agissons et raisonnons dans un profond sommeil qui n’a rien de métaphorique, mais qui est absolument réel ; et cependant que nous pouvons nous rappeler nous-mêmes si nous faisons des efforts suffisants – que nous pouvons nous éveiller. (Ouspensky, in Fragments d’un enseignement inconnu)

"Ici et maintenant, les gars", répéta le mainate. "Ici et maintenant, les gars" (Aldous Huxley, in Ile)

Impression de revenir à moi-même, en ce moment. De nombreux rêves peuplent mon sommeil. Le dernier en date m'a marqué, même si je ne suis pas sûr de le comprendre. Je suis dans une sorte d'école. Bâtiment gigantesque, peint en bleu. Je me trouve à l'extérieur, parmi d'autres élèves, que je ne vois pas, mais que je devine. Il y a une maîtresse, aussi, également invisible. Cela peut paraître puéril de parler de maîtresse, mais c'est le climat du rêve : je me sens physiquement adulte, mais comme un enfant. Un débat fait rage. Plus précisément, je suis le centre du débat, seul contre tous. Personne ne me suit, sauf une jeune femme, brune, fine, aux lèvres gourmandes et discrétement colorées de rose. Puis tout soudain la jeune femme m'embrasse, devant la classe un bref instant, avant que celle-ci ne s'évanouisse et que nous nous retrouvions seuls. Il me semble que le rêve s'arrête là. Mais la tonalité de ce rêve se révèle à la fois étrange et habituelle. Je distingue chez moi deux sortes de rêves : les rêves que j'appelle "émotionnels", où il s'agit de faire l'expérience d'une situation. Souvent, dans mon cas, je rêve que je suis traqué, ou bien que je perds un être aimé. Et puis il y a les rêves que je dirais "prophétiques". Ceux-là m'indiquent quelque chose, font écho en moi et me prédisent, si j'ose dire, la direction des événements de mon existence. C'est du moins ainsi que je le ressens à chaque fois. Maintenant, s'agissant de ce dernier rêve, je ne vois pas bien à quoi il pourrait renvoyer, étant donné ma situation actuelle : célibataire, sans emploi et comme en ermitage. Mais enfin, qui sait ce que l'avenir me réserve. Et puis ce rêve m'a permis de mieux intégrer ma rupture avec C. : cela me rend encore triste, quand j'y songe, mais je réalise que nous ne nous correspondions pas et au-delà, que je n'étais pas prêt à vivre une histoire d'amour. Je me sens tellement immature !

Une découverte, par ailleurs. Je crois que je sors peu à peu de ce grand dilemme à propos de Dieu. Avoir la foi ou ne pas avoir la foi, tout ça. En fait, je ne crois pas en Dieu, c'est désormais clair pour moi. Mais, pour autant, je ne jette pas le bébé avec l'eau du bain et je reconnais faire l'expérience régulière d'une transcendance. Comme une force, une source, non appréhensible par la raison ou les sens, d'où tout vient et à laquelle tout retourne. Et je peux entrer en contact avec cette force, m'abreuver à cette source par les moyens de mon choix, y compris en me recueillant sur le banc d'une église, rien ne me l'interdit. Et puis, sans vouloir tomber dans la thèse universaliste, les religions ne sont-elles pas, chacune à sa manière singulière, des voies d'accès à cette transcendance ? Sauf que je n'ai pas l'esprit de système et que les mots me paraissent défaillants lorsqu'il s'agit d'en témoigner. Ou plutôt que je ne l'ai que trop, cet esprit de système, que j'en connais bien la tentation – enfermer le réel dans une cage dorée – et le risque – me perdre en cours de route. J'ai, comme n'importe qui, des convictions, des théories, des opinions sur le monde. Mais je sais combien tout cela se révèle contingent et finalement accessoire. Ne pas confondre le film, changeant et la lumière qui l'éclaire, éternelle.