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16.07.2014

Epuiser l'attente

Combien de temps encore vas-tu attendre pour t'estimer digne des plus grands biens, et cesser enfin d'enfreindre la règle qui doit déterminer ta vie ? Tu connais les principes qui doivent fonder ta réflexion ; c'est assez réfléchi ! Quel maître attends-tu, à présent, pour te décharger, sur lui, du soin de ton progrès moral ? Tu n'as plus quinze ans, tu es un homme mûr. Si désormais tu te montres négligent, si tu prends les choses à la légère, si tu continues à échafauder projet sur projet en reculant sans cesse le jour où tu devras enfin prendre soin de ta vie, tu ne feras aucun progrès, et, sans t'en rendre compte, tu finiras par vivre et mourir comme un homme ordinaire. (Epictète, in Manuel)

J'ai l'impression de passer ma vie à attendre. Quoi ? Je ne sais pas vraiment. Un déclic, une révélation, sur le pourquoi de tout ça. Nietzsche expliquait qu'avec un "pourquoi", on peut vivre avec n'importe quel "comment". L'inverse vaut également : sans "pourquoi", on ne peut pas vivre du tout. Les prétendus nihilistes ne sont pas sérieux. Ils dissertent un instant sur la vanité de toutes choses, puis vont faire l'amour ou du surf. Le véritable nihilisme est une maladie. Comme une chute sans fin, sans rien à quoi se raccrocher. Il faut s'être colleté avec l'absurde pour comprendre. Cette angoisse sourde qui vous saisit et vous empêche de dormir, vous réveille en pleine nuit, vous reprend dès potron-minet, vous poursuit toute la journée et vous retrouve, exténué, au crépuscule. Alors vous attendez, tel un gamin boudeur devant un magicien muet : où est le truc, bon sang ?! Mais l'existence n'a rien à voir avec un tour de magie ; le truc, c'est qu'il n'y a pas de truc et rien à attendre d'autre que le fruit de ses propres efforts lorsqu'ils sont en accord avec la réalité. A propos de réalité, je m'aperçois qu'un des éléments de cette angoisse proprement métaphysique qui ne me quitte pas, c'est ce sentiment de vacuité ; comme si, au fond, la réalité n'était pas vraiment réelle, ne possédait qu'une consistance vaporeuse et menaçait à tout instant de basculer dans le néant en m'engloutissant au passage. Mais la réalité est bel et bien là et ce sentiment n'est que le produit de mon cerveau tournant à vide au lieu d'appréhender le vaste monde. Et puis, il y a le bonheur. Auquel je ne laisse aucune chance, comme pour me protéger par avance du malheur qui pourrait s'abattre. Sauf qu'à ce petit jeu non seulement je ne suis jamais heureux, mais qui plus est je me trouve honteux de ma lâcheté.

Marcher, la tête haute.

08.07.2014

Une certaine folie

Il y a une théorie en psychologie sociale selon laquelle l'ensemble des entreprises humaines constituerait un divertissement, au sens pascalien, c'est-à-dire un moyen d'oublier temporairement notre condition faible et mortelle. Quelques maudits n'oublient jamais le néant auquel ils sont suspendus : j'en fais hélas partie. Il reste que je suis fermement convaincu de l'existence d'une position subjective à partir de laquelle il serait possible de jouir de son vide d'existence. Non pas à la manière faussement désinvolte du nihiliste, dont les actes trahissent une posture esthétique au mieux et une dépression masquée au pire. Non, une véritable jouissance, qui s'apparente probablement plus à la perversion. Comme un blasphème lancé à Dieu : tu me voulais las et apeuré ? tu me trouves vif et impavide. Et je pressens qu'on n'advient à cette position que par soi-même : quelque chose de l'ordre d'une décision irrévocable, d'un saut, d'un meurtre, peut-être.

A un jeune peintre qui lui montrait sa dernière œuvre en date et réclamait quelque indulgence en expliquant que le tableau n'était pas terminé, Picasso répondit par ce mot sublime : "Il serait humain de l'achever".

 

09.06.2014

Le dépit (4)

Le retour sur le passé ne donne que de la poussière. On est étonné de voir le peu d'importance, la vanité parfaite de tout ce qui avait agité le cœur. (Léon Bloy, in L'Invendable)

Enième déception auprès d'une énième jeune femme, approchée de si près... mais si maladroitement que la belle, pourtant encore plus paumée que mézigue, m'a vu venir à des kilomètres et par suite adressé une superbe fin de non recevoir, oh certes avec les formes qui conviennent à ma "gentillesse" légendaire. Mais non, je ne suis pas gentil, je suis juste faible et apeuré, incapable d'assumer mon désir, mon sexe, ma vie. Le pire, dans tout ça, c'est que je m'en fous. Je repense à C., parfois, m'enquiers encore de temps à autre de ce qu'elle devient ; et ne peux m'empêcher à présent de me demander comment j'ai pu me mettre dans un état pareil pour ses beaux yeux. Tout passe, tout lasse. Ma dernière mésaventure en date passera, elle aussi, d'autant que la demoiselle ne me rappellera probablement pas de sitôt, ou alors pour me proposer le cadeau empoisonné de son amitié : lors je passerais mon tour, laissant le rôle de l'eunuque à un autre.

Arrêter de jouer au saint. Je ne suis pas bon, pas bon du tout, même. Rien de terrible, juste la boue qui fait le lit des âmes humaines. Les autres non plus, ne sont pas bons, habillant leurs pulsions de costumes plus ou moins ridicules au gré de la comédie sociale. D'où vient cet empêchement à être simplement ce que je suis ? On ne change pas, au fond. Je suis toujours ce petit garçon timoré, mais foutrement orgueilleux et têtu. Cocktail explosif du raté grandiose.

Pas de résolution à la con, cette fois, mais la ballade nº4 de Chopin.