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10.02.2013

A petits pas

La chose qui, entre toutes, rend si pesant le fardeau de la vie, et insoluble le problème qu'elle pose, c'est que l'on se sent toujours inégal à ce que l'on porte en soi de meilleur. Ah ! comment tous les êtres ne comprennent-ils pas qu'il n'y a pas de preuve plus valable, plus certaine de l'existence de Dieu que la présence en nous de ce meilleur que rien, jamais, ne parvient à détruire, qui subsiste au sein de toutes les faiblesses, de toutes les lâchetés, de toutes les dégradations; et n'est-il pas vrai que, quand nous sommes à notre pire, nous souhaitons que Dieu même n'existe pas, précisément, afin que ce meilleur s'évanouisse et nous laisse enfin en paix. (Charles Du Bos, in Journal, t. IX)

Peut-être y a-t-il une pédagogie de Dieu, quelque chose de l'ordre d'une patience infinie qui fait qu'Il revient à la charge autant de fois que nécessaire afin que tel ou tel être, appelé à Sa lumière, s'ouvre enfin à elle. L'autre soir, épuisé de mes tourments et à nouveau empli de cette humeur religieuse à nulle autre pareille, j'ai prié, avant de m'endormir, demandant à l'Eternel d'éclaircir ma pensée et d'apaiser mon coeur. J'ai rêvé, cette nuit-là. Comme souvent, le contexte du rêve était flou. Mais un élément précis m'est resté : je poursuivais un fin serpent, alors même que j'en avais très peur. Un temps, voilà que le serpent se retrouve derrière moi ; je me retourne, saisi d'effroi et là, je vois une salamandre à la tête entourée d'une sorte de couronne tuer le serpent en le transperçant. Je ne suis guère expert, ni d'ailleurs adepte, de l'interprétation des rêves, mais celui-là m'a suffisamment marqué pour que je m'y hasarde. Le fin serpent représente à mon sens le mal subtil qui se révèle très prégnant dans notre société et certainement en moi. Quant à la salamandre, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, après une recherche rapide sur le net, qu'elle symbolise la foi qui ne peut être détruite et se retrouve dans les armoiries de François 1er, sous une forme ressemblant de manière troublante à celle de mon rêve... Comme un message de je ne sais où pour me dire de garder courage, de ne pas abandonner et de ne pas céder à la tentation. Bien sûr, peut-être est-ce là tout un cinéma que je me fais à moi-même, peut-être quelque lecteur incroyant passant par là me fera-t-il la remarque que le sceptique que je prétends être n'a pu manquer de se faire, à savoir que le signe que j'ai cru discerner dans ce rêve n'y a jamais été placé que par mes soins. Peu importe. Je suis las des ratiocinations que je m'inflige à moi-même. L'âme ne vit pas de raison, mais se déploie au vent de l'inspiration. Pour autant, avancer lentement, un pas devant l'autre, en respectant mon rythme propre, qui est celui d'un être fragile, perdu, endormi ; reculant pour mieux sauter, ou bifurquant tout soudain, jusqu'au prochain réveil, des jours, des semaines ou des mois plus tard. Veiller la lumière, comme un gardien de phare prévient du naufrage.

04.02.2013

La bouderie

Arrêter de bouder, cela risquerait aussi, aux yeux du boudeur, de banaliser les événements ayant motivé la bouderie. Cela pourrait revenir à dire qu'après tout, ce n'était pas si grave, pas si important, que l'offense subie était bénigne, voire même qu'il n'y avait pas offense du tout. (Thierry Melchior, in La dépression : état ou jeu de rôle ?)

Malheureux les esprits qui ont le mirage de l'absolu ! Ils prennent en dédain tout ce qui n'est que relatif, c'est-à-dire le fond même de la vie. (Edmond Thiaudière, in La Proie du Néant - Notes d'un pessimiste)

Je me sens dans une solitude extrême, en ce moment. Même lorsque j'entre en relation avec d'autres personnes, j'ai l'impression de me trouver sur une autre rive, lointaine, hors du monde, au point que ce dernier perd son caractère de réalité. Mon problème réside sans doute en ceci que j'attends beaucoup trop de la vie et que le dépit qui en résulte inévitablement me blesse au plus profond. D'où la bouderie, qui dure depuis plusieurs mois, à présent. Suites de mon amour rompu avec C., de mes désillusions professionnelles, du départ d'une amie chère. Idéaux heurtés, bafoués, piétinés, réduits à néant. Et rien à quoi me raccrocher. L'amour des miens, si précieux, indéfectible, mais dont je sais qu'il n'est pas éternel, qu'un jour viendra, où... demain, peut-être, abruptement, absurdement, comme le condamné à mort de Sartre, emporté par une épidémie de grippe espagnole. Dieu, qui manque toujours à l'appel : ironie cruelle de ce ciel vide, malgré l'émotion qui me saisit lorsque j'écoute, par exemple, comme tout de suite, le Pomiani mia gospodi d'Alexei Lvov. Je crois que je ne respecte rien, au fond, que j'ai en moi cette forme particulière de perversité qui m'incline à vouloir tout embrasser, tout inclure et ainsi survivre et prospérer. Cette bouderie d'enfant déçu, c'est peut-être la dernière digue que je me suis construite pour n'y pas céder tout à fait. Tandis que l'ouragan des eaux mortes gronde et approche.

06.01.2013

L'assiette

Pas de bonnes résolutions, cette année. Ou une seule, vitale : revenir à moi, comme je pourrais le dire après un étourdissement. Je me suis égaré il y a longtemps, je crois, par peur du rejet, ou désir d'approbation d'autrui, ce qui revient au même. Et puis, "être soi-même" : l'expression a été tellement galvaudée, tordue à des fins mercantiles ou idéologiques, que l'invoquer peut sembler sinon risible, en tout cas bien imprudent. Et pourtant. Il y a bien des manières de se duper soi-même, de s'éloigner de son chemin. Voilà ce que je ressens profondément : j'ai un chemin à parcourir, quelque chose à accomplir ici-bas. J'écris "accomplir" et non pas "faire", car je pense qu'il s'agit moins de faire que de défaire ce qui n'est pas de soi, de dégager les scories accumulées depuis le berceau et qui empêchent la lumière, ma lumière, de briller en ce monde. Cela commence sans doute par la présence à soi. Combien de fois, même seul, sans distraction extérieure, m'évadé-je de moi-même ? Non point pour une réflexion efficace, mais dans des imaginations maladives, résonnant dans le corps et m'affaiblissant d'autant, à terme, en pure perte ? Et bien sûr, l'autre. Je l'ai vu très clairement hier, au détour d'une conversation téléphonique, ou d'un message échangé : il y a toujours deux choix possibles. Feindre, jouer un rôle, c'est-à-dire installer la relation sous les augures d'un contrôle fantasmé, où l'autre, finalement, est nié, tout comme je me nie moi-même. Ou bien partir de moi, "prendre le risque" de m'assumer totalement en tant que sujet, singulier, fragile, face à un autre sujet dont j'ignore comment il va m'accueillir, se positionner. Hier, donc, je suis resté à ma place, j'ai exprimé la vérité qui était la mienne, sur le moment, sans faux semblant : le ciel ne m'est pas tombé sur la tête, au contraire, comme un apaisement. D'où je vois aussi l'absurdité d'ériger des principes a priori sur lesquels je m'appuierais pour vivre. Tracer quelques jalons, certainement, mais la philosophie s'énonce en acte, le reste n'est que littérature.

Etre dans mon assiette, voilà ma direction.