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18.11.2012

Déparler

Je suis enfin sorti de ma tanière pour aller boire un verre avec S., un ancien collègue. Soirée agréable, mais. Une bonne partie de la rencontre fut consacrée à la critique d'autrui. J'y ai sacrifié mollement, mais avec un grand sentiment de gêne. Etrangeté de ma nature : ce qui ne semble poser aucun problème à la majorité des gens devient chez moi cas de conscience. C'est que je n'accepte plus d'exprimer autre chose qu'une parole vraie. Quand j'y songe, c'est d'une redoutable difficulté. Même quand je veux dire vrai, ce qui sort de ma bouche me paraît toujours relever du travestissement, comme si le fait même de parler constituait une trahison de mon ressenti. Qu'importe. Je m'efforce désormais de coller au plus près de ce ressenti ; foin de la sophistique.

Des jeunes femmes, croisées dans la rue : surprise de constater que malgré C., mon désir est toujours vivant.

12.11.2012

Le purgatoire

Ces nuits cruelles, longues, sourdement hostiles, avec des orages noyés dans les eaux mortes des pensées – qu’on supporte par la soif curieuse de savoir comment on va répondre à cette question muette : « Vais-je ou non me tuer d’ici l’aube ? ». La matière est imbibée de douleur. (Emil Cioran, in Syllogismes de l'amertume)

Bon, j'avais besoin, une dernière fois, de céder à l'illusion du contrôle, je suis fixé. Cette énième exploration des données personnelles de C. ne m'a rien apporté de plus, sinon la certitude que je n'ai eu, hélas, qu'un rôle de figurant dans le film de sa vie. M'a-t-elle aimé un jour ? Oui. Mais cet amour n'a pas duré, n'a pas résisté à sa douleur, aux circonstances, à son désir fuyant. Je l'ai toujours su, au fond. Après qu'elle a entrevu ma vraie nature, je lui ai adressé un ultime mensonge, pour sauver... je ne sais pas, mon orgueil, le sien, les apparences d'une histoire qui s'est écrite sur un naufrage et se termine sur un naufrage. Que garder de tout cela ? La joie des moments partagés, une certaine magie : l'une et l'autre ont bel et bien existé, malgré tout. A présent, revenir à soi. Tirer la leçon de ce choix amoureux : qu'est-ce qui cloche chez moi pour que je m'attache toujours à la "mauvaise" personne, celle qui va se servir de moi, puis me désaimer ? Pourquoi éprouvé-je le besoin de répéter, encore et toujours, le même schéma ? Et au-delà, tout est lié : de mes déboires professionnels à mes fantasmes inavoués. A la racine, il y a, je crois, mon propre désamour. Je ne me suis jamais trouvé assez bien. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai commencé à mentir : fausser la réalité pour qu'elle colle à l'image que je me faisais des attentes d'autrui à mon égard. Sauf que c'est épuisant, à la longue et que ça ne mène nulle part. C., par-delà sa problématique singulière, avait très bien senti ça chez moi : ce "mystère" qui n'en est pas un, qui n'est qu'un trompe-l'oeil ; détourner le regard de cet autrui par trop envahissant. Mais je n'ai plus la force de cette esquive permanente. Voilà des semaines que je vis comme un zombi, terré dans la pièce principale de mon appartement, volets fermés, alternant sommeil, masturbation, alimentation, au rythme d'Internet et des programmes télé. Je pleure, aussi, avec retenue, car je pressens que si je me laissais aller je me noierais dans l'océan de mes propres larmes. Bref, je suis une épave. Mais il faut croire que je m'aime encore un peu, assez en tout cas pour entendre cette petite voix qui m'invite à me relever, à reprendre la route, sans plus jouer avec mon âme.

Le suicide, évoqué en épigraphe, n'est pas une option. Curieusement, quelque chose me dit que j'ai encore à faire ici-bas.

31.10.2012

Mûrir (2)

Mon ami, ne veux-tu donc pas être enfin sevré, et quitter le lait pour te nourrir de viande solide ? Veux-tu encore pleurer et crier après le téton de ta nourrice et regretter les contes et les chansons dont elle t'endormait ? (Epictète, in Entretiens, Livre II, XLII)

J'avais écrit un long texte, hier soir, peut-être intéressant, mais au demeurant fort dramatique. Aujourd'hui, j'en reviens à une plus juste mesure. Le monde est froid et injuste et nous sommes tels des feux follets brillant un instant, avant de disparaître à jamais. Mais au coeur de cette nuit glacée, pointent ici et là quelques heures de jour : une musique, une rencontre, un livre, un moment partagé. Mon problème, s'il en est un, réside dans ce désir que l'obscurité ne tombe pas à nouveau, que la lumière dure, éternellement, comme un gamin qui voudrait que la fête ne s'arrête pas. Il est d'ailleurs assez marquant que notre époque se veuille si obstinément festive, comme l'a analysé ce diable de Philippe Muray. Sans doute suis-je plus actuel que je ne voudrais me le faire croire... Il y a aussi chez moi ce raisonnement en "tout ou rien", idéalisme adolescent : s'il y a des pourris en ce monde, alors c'est le monde entier qui est pourri et il ne sert à rien de se battre pour une quelconque justice, de défendre quelque valeur que ce soit. Accepter enfin que les "montages" (Raymond Ruyer) humains sont imparfaits, bancals, à reprendre sans cesse, parce que toujours en "anticipation osée" sur le réel. Je suis quelqu'un d'intelligent, de très intelligent même (sans forfanterie aucune) et pourtant j'agis stupidement, depuis des années, sacrifiant ma vie sur l'autel de mes exigences névrotiques. Ou d'un caprice cosmique : "J'arrête de respirer tant que les choses ne sont pas exactement telles que je voudrais qu'elles soient !". Une bouffée d'air :

CalvinHobbes0028.jpg

Il est temps que je fasse mon stupide devoir. :-)