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29.03.2013

Souviens-toi

Je disais qu’un fait d’une importance prodigieuse avait échappé à la psychologie occidentale, à savoir : que nous ne nous rappelons pas nous-mêmes, que nous vivons, agissons et raisonnons dans un profond sommeil qui n’a rien de métaphorique, mais qui est absolument réel ; et cependant que nous pouvons nous rappeler nous-mêmes si nous faisons des efforts suffisants – que nous pouvons nous éveiller. (Ouspensky, in Fragments d’un enseignement inconnu)

"Ici et maintenant, les gars", répéta le mainate. "Ici et maintenant, les gars" (Aldous Huxley, in Ile)

Impression de revenir à moi-même, en ce moment. De nombreux rêves peuplent mon sommeil. Le dernier en date m'a marqué, même si je ne suis pas sûr de le comprendre. Je suis dans une sorte d'école. Bâtiment gigantesque, peint en bleu. Je me trouve à l'extérieur, parmi d'autres élèves, que je ne vois pas, mais que je devine. Il y a une maîtresse, aussi, également invisible. Cela peut paraître puéril de parler de maîtresse, mais c'est le climat du rêve : je me sens physiquement adulte, mais comme un enfant. Un débat fait rage. Plus précisément, je suis le centre du débat, seul contre tous. Personne ne me suit, sauf une jeune femme, brune, fine, aux lèvres gourmandes et discrétement colorées de rose. Puis tout soudain la jeune femme m'embrasse, devant la classe un bref instant, avant que celle-ci ne s'évanouisse et que nous nous retrouvions seuls. Il me semble que le rêve s'arrête là. Mais la tonalité de ce rêve se révèle à la fois étrange et habituelle. Je distingue chez moi deux sortes de rêves : les rêves que j'appelle "émotionnels", où il s'agit de faire l'expérience d'une situation. Souvent, dans mon cas, je rêve que je suis traqué, ou bien que je perds un être aimé. Et puis il y a les rêves que je dirais "prophétiques". Ceux-là m'indiquent quelque chose, font écho en moi et me prédisent, si j'ose dire, la direction des événements de mon existence. C'est du moins ainsi que je le ressens à chaque fois. Maintenant, s'agissant de ce dernier rêve, je ne vois pas bien à quoi il pourrait renvoyer, étant donné ma situation actuelle : célibataire, sans emploi et comme en ermitage. Mais enfin, qui sait ce que l'avenir me réserve. Et puis ce rêve m'a permis de mieux intégrer ma rupture avec C. : cela me rend encore triste, quand j'y songe, mais je réalise que nous ne nous correspondions pas et au-delà, que je n'étais pas prêt à vivre une histoire d'amour. Je me sens tellement immature !

Une découverte, par ailleurs. Je crois que je sors peu à peu de ce grand dilemme à propos de Dieu. Avoir la foi ou ne pas avoir la foi, tout ça. En fait, je ne crois pas en Dieu, c'est désormais clair pour moi. Mais, pour autant, je ne jette pas le bébé avec l'eau du bain et je reconnais faire l'expérience régulière d'une transcendance. Comme une force, une source, non appréhensible par la raison ou les sens, d'où tout vient et à laquelle tout retourne. Et je peux entrer en contact avec cette force, m'abreuver à cette source par les moyens de mon choix, y compris en me recueillant sur le banc d'une église, rien ne me l'interdit. Et puis, sans vouloir tomber dans la thèse universaliste, les religions ne sont-elles pas, chacune à sa manière singulière, des voies d'accès à cette transcendance ? Sauf que je n'ai pas l'esprit de système et que les mots me paraissent défaillants lorsqu'il s'agit d'en témoigner. Ou plutôt que je ne l'ai que trop, cet esprit de système, que j'en connais bien la tentation – enfermer le réel dans une cage dorée – et le risque – me perdre en cours de route. J'ai, comme n'importe qui, des convictions, des théories, des opinions sur le monde. Mais je sais combien tout cela se révèle contingent et finalement accessoire. Ne pas confondre le film, changeant et la lumière qui l'éclaire, éternelle.

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