07.12.2008
Le train de la vie
J'ai reçu il y a quelques jours le faire-part de naissance d'une amie que j'ai honteusement délaissée. Magnifique faire-part, d'ailleurs, annonçant la venue au monde d'une adorable petite fille, photo à l'appui. Je dois dire que la nouvelle m'a fait bizarre. Bien sûr, je me réjouis pour cette amie, qui a eu son lot de soucis et semble avoir enfin trouvé le bonheur. Dans le même temps, je n'ai pas pu m'empêcher de comparer sa situation à la mienne. Je m'approche de la trentaine à grands pas et je n'ai rien construit, ni rien vécu. Pire, je ne sais même pas ce que je veux vraiment. Des enfants ? Je me le demande. Je n'ai pas une assez haute opinion de ma personne pour songer à me reproduire. Et puis encore faudrait-il rencontrer la femme avec qui les faire, ces enfants. Déjà que je n'arrive pas à m'en dégoter une pour tirer mon coup... La vie ressemble à un parcours d'étapes et pour le moment, je bloque au tout début, en particulier au niveau sentimental et sexuel. Je me souviens très exactement quand ça a commencé. Fin d'année de 3ème. Durant le voyage organisé en Espagne, j'avais repéré une fille de 4ème qui me plaisait. Et par impossible, je lui plaisais aussi ! Courageux, en dehors de quelques échanges incongrus, je menais la tractation amoureuse essentiellement par copines interposées. De retour de voyage, ça a continué : j'ai toujours, quelque part, une petite boîte contenant des photos de la belle et autres colifichets témoignant du petit jeu de séduction qui se déploya alors. Sauf que je me suis dégonflé. Je ne me rappelle plus très bien dans quelles circonstances, mais ce dont je suis sûr, c'est que j'avais rendez-vous avec elle et que je n'y suis jamais allé. Autre souvenir très net : je quitte un ami au sortir du collège, ce sont les vacances et surtout la fin d'un monde, puisque l'année suivante, c'est le lycée. Et pendant la conversation, cet ami me demande où j'en suis avec cette fille. Et je mens. Et le bobard passe comme une lettre à la poste. Sensation étrange. Découverte du pouvoir du mensonge : comment donc, je peux m'en tirer par quelque invention de langage, sans devoir affronter ce qui me fout la trouille ? Quelque chose s'est fixé, à ce moment-là et j'en essuie encore aujourd'hui les conséquences tragiques. Il y a aussi cette "petite phrase" de mon père, quand j'étais tout gosse. J'éprouvais apparemment quelque curiosité quant au décalottage de mon gland et m'en étais enquis auprès de ma mère. Le contexte m'échappe, mais mon père fut mis au parfum et, sans doute alors de mauvais poil, lui avait lâché, en ma présence : "Tu vas voir qu'il va avoir des problèmes avec ça, aussi !". "Ca", je sentais confusément, même à l'époque, qu'il s'agissait de la sexualité. "Aussi", cela signifiait clairement que pour mon père, j'étais un boulet et voilà comment un gamin acquiert un scénario de perdant. Les paroles restent, comme disait Lacan. Soyons clairs, je ne donne pas ici dans la victimisation, ni n'entends rejeter la faute sur mes parents pour mes tourments actuels. Je m'efforce simplement de saisir ce qui a pu m'amener là où j'en suis à présent.
Figé sur le quai, alors que le train s'apprête à partir.
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27.11.2008
Age quod agis
L'autre jour, en plein lavage de mains fébrile (en fidélité à mes TOC), j'ai réalisé d'un seul coup que j'entretenais un rapport au temps parfaitement névrotique. Je suis le lapin d'Alice au pays des merveilles, toujours pressé, toujours en retard, toujours en train de faire plusieurs choses à la fois et ainsi, jamais vraiment là. Et encore, si cela fonctionnait, mais non : je me stresse, je fais des erreurs et au final je perds plus de temps que les rares fois où je prends la résolution de ne plus regarder ma montre et de faire une chose après l'autre, ancré dans l'instant.
Ici et maintenant, je ne suis jamais en avance, ni jamais en retard, je fais ce que je fais, serein dans l'oeil du cyclone.
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18.11.2008
Carcan... imaginaire
Un concert dans un bar, l'autre soir. Comme à l'accoutumée, je joue le jeu social comme il faut, je fais illusion. Malgré tout, pourtant, je reste "coincé" et cela transparaît certainement, pour quelque observateur avisé. Et tout soudain, la musique m'emporte, je m'absente un instant de moi-même et je me laisse entraîné par le rythme, le son ; les autres n'existent plus, je n'existe plus, ou plutôt cette conscience hypertrophiée de moi-même a disparu, je suis à ma place, ici et maintenant, sans rime ni raison, juste là. Et j'ai vu alors combien toute cette histoire de "pression sociale" relevait de la pure vanité (dans les deux sens du terme). "L'enfer, c'est les autres" : si et seulement si je consens à ce que cette superstition me domine.
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