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31.05.2012

L'abandon

J'ai donc pris mon courage à deux mains, ce matin et j'ai poussé la lourde porte de Notre Dame de la Médaille Miraculeuse. Je précise qu'il m'a fallu rassembler mon courage car j'y suis allé à reculons, le coeur empli d'une crainte mystérieuse. J'entre : personne dans la petite église. Battements de coeur. Je m'assois sur un banc et je me recueille. Je ne récite pas de prière, je ne réfléchis plus, j'attends. Et plus les minutes s'écoulent, plus je m'aperçois que tout mon être résiste à quelque chose qui est là, que je pressens et qui pourrait me faire basculer vers autre chose, ineffable inconnu. Au terme d'un bon quart d'heure de ce combat silencieux, je me lève enfin, vidé mais calme, droit, apaisé.

Prier, c'est peut-être moins s'élever vers Dieu que Le laisser descendre à soi et faire Son office.

Un changement de perspective qui se dessine en moi, peu à peu : la société contemporaine voudrait nous faire accroire qu'il existe un "mode d'emploi" pour chaque situation de la vie. Bien sûr, il existe ce qu'on pourrait appeler des bonnes pratiques, que la sagesse retient. Mais au fond, pour tout ce qui compte vraiment, il n'y a aucun mode d'emploi, aucune technique, aucun raccourci. Ce que j'expose ici relève du truisme et pourtant... Ce que d'aucuns nomment le désenchantement du monde, c'est peut-être cette intrusion de la technique au coeur même de l'homme, cette idée terrible que l'humain se gère, se manipule à souhait, qu'il suffit d'appuyer sur les bons boutons. Dans mes relations, je vois bien cette tentation d'aborder l'autre sous cet angle-là : comment dois-je me comporter pour obtenir telle ou telle chose de cette personne ? Mais ça ne marche tout simplement pas comme ça. Je peux témoigner qu'on peut vivre des années dans ce fonctionnement mortifère. Oui, je crois que c'est le mot juste : vivre ainsi, ce n'est pas vivre, c'est colporter la mort, en soi et autour de soi.

Jusqu'à l'asphyxie. 

29.05.2012

Respirer

Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit. (Jean 3:8)

Je suis perdu. Plus rien ne va. Objectivement, la vie suit son cours, avec ses hauts et ses bas. Et je n'ai vraiment pas à me plaindre. Pourtant, ça ne tourne pas rond. J'étouffe. Je me sens comme si je rampais dans un long tunnel frappé de ténèbres. Au loin, une lumière. Il semble que je ne puisse l'atteindre. Non pas qu'elle se dérobe, mais que je m'empêche d'y aller voir de plus près, par crainte qu'elle ne m'entraîne dans son sillage. L'autre jour, me portant au secours d'une amie, j'ai passé l'après-midi avec elle. Un temps, nous faisons quelque pas au-dehors, dans le quartier. Et incidemment, nous tombons sur une petite église, Notre Dame de la Médaille Miraculeuse. Je ne l'avais jamais remarquée auparavant. Nous entrebâillons la lourde porte. Un vieil homme, en train de passer l'aspirateur, se présente à nous. A moitié sourd, il s'exprime fort. Et franc. "On peut lui parler tous les jours, au bon Dieu !", lança-t-il, en réponse à nos timides interrogations quant aux horaires d'ouverture du lieu.

Je ne sais pas si j'ai grand-chose à lui dire, au bon Dieu. Les mots me fatiguent. Sonnent faux, sentent le soufre. Non, j'ai besoin de silence. J'ai besoin de paix. Je vois cette histoire de libre-arbitre bien différemment, à présent. On peut vraiment refuser Dieu, se fermer à Lui. Oui, on peut se suicider par noyade.

Sortir la tête de l'eau.

15.05.2012

Ainsi va toute chair

Le cynisme consiste à voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être. (Oscar Wilde, in L'âme humaine)

Une pesanteur à vivre, ces derniers temps. Je rentre pourtant d'un séjour dans le Sud avec C. fort agréable : sea, sex and sun. Je suis en vacances, libéré un temps des contraintes du boulot. Malgré tout, donc, une lassitude. La marche du monde me fatigue. Je n'y vois plus aucun sens, aucun équilibre, aucune justice. Je souffre de ce que j'appellerais "le complexe du bon protestant" : j'ai été bien sage, j'ai suivi toutes les règles et cependant je ne suis pas heureux. Sans doute me fais-je une fausse idée du bonheur. Mieux, c'est peut-être précisément parce que j'ai une idée du bonheur que je ne suis pas heureux. C'est comme avec autrui : j'ai toujours une attente, une préconception de la manière dont il devrait me traiter. Bien sûr, la réalité passe par là et je suis souvent déçu. J'en viens à me demander si les idées ne sont pas les pires ennemies du genre humain et si la véritable intelligence ne consiste pas à avoir un esprit essentiellement pratique : qu'est-ce qui marche pour atteindre mon objectif ? Je l'ai déjà écrit ici, mais à l'évidence pas vraiment réalisé jusque là : l'univers est technique, amoral, il se contrefout de mes principes, de mes idéaux, de mon sentimentalisme. Extirper jusqu'au plus petit a priori que je pourrais entretenir à l'égard du réel. S'ouvrir au possible, à tout le possible. Et agir en stratège.