Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13.01.2009

"Maladie" (2)

Il y a chez moi cette étrangeté fantasmatique qui consiste à chercher inlassablement une sorte de point de départ absolu, à partir duquel je pourrais enfin vivre "comme il faut". Et plus j'avance, plus je me vois contraint d'annuler tout ce que j'ai déjà pensé, ressenti, fait, afin d'en revenir éternellement à cette borne première imaginaire. L'ensemble de mes difficultés tourne autour de cette folie. Souvenir de ma photo de permis de conduire : une imperfection granuleuse sur l'image a littéralement assiégé mon esprit pendant des jours au point d'envisager sérieusement de refaire faire mon papier rose en vertu de quelque motif que j'avais déjà préparé jusqu'à ce qu'une nuit, n'en pouvant plus, je me relève pour retoucher au stylo l'objet de mon obsession. Par cette même déraison, je suis devenu un sophiste de génie, capable de défendre une thèse et son contraire et définitivement indéterminé sur tout sujet, quand bien même il m'arrive d'exprimer des opinions tranchées que je ne mets pas longtemps à récuser, assailli par le doute. En fait, cette logique d'annulation, c'est un peu comme si je voulais me constituer en ma propre antériorité, comme si je n'admettais pas de n'être pas ma propre origine, bref, comme si je refusais de n'être pas Dieu. Lors de mon passage sur le divan, j'avais eu cette pensée mystérieuse : j'irai mieux lorsque j'accepterai ma foi en Dieu. Et là, je ne peux m'empêcher de songer à cet article de Charles Melman, intitulé La rationalité comme symptôme et traitant de la névrose obsessionnelle (no comment sur mon ambivalence c'est rien de le dire à l'égard de la psychanalyse). Morceaux choisis :

"Eh bien, nous savons que l'obsessionnel est, justement pour les raisons que je viens de dire, très antipathique à l'endroit du signifiant-maître ! L'obsessionnel, par définition, c'est celui pour qui il est insupportable qu'un énoncé ou une énonciation veuillent se poser immédiatement, c'est quelque chose qui le hérisse, qui le cabre. Et il aura donc tendance à vouloir homogénéiser les signifiants. Mais ça lui revient sous la forme de ceci : ce signifiant-maître qu'il aurait ainsi décapité (si j'ose ainsi m'exprimer pour ne pas me servir d'autres tranchements qui s'évoquent ), ce signifiant-maître lui revient sous la forme de l'impératif, sous la forme de l'injonction. [...] Et le doute propre de l'obsessionnel est évidemment une conséquence de sa démarche. Du même coup, il a tué le rapport possible à la vérité, cette vérité qui est précisément ce qu'il a en horreur, cette vérité que le zéro vient assez bien symboliser, et donc il va la chercher dans la chaîne symbolique et à un niveau, bien entendu, antécédent. Et il est toujours à la recherche de l'antécédent qui a lui-même un antécédent et qui a lui-même etc., en se livrant à cette activité épuisante, sans jamais être sûr de son résultat, et en ayant nettement le sentiment qu'il a commis quelque meurtre qui est aussi bien ce qu'on pourrait appeler le meurtre du père, mais le meurtre du père en tant qu'il est ce que la symbolisation, en tant qu'elle serait parfaite, viendrait consommer. Puisque le père mort ne prend son autorité que de se maintenir dans le réel, de se maintenir dans cette position d'altérité, et dans cette position d'irréductibilité du rapport. J'ai beau l'implorer, j'ai beau le prier, il n'est pas du tout tenu de m'entendre. Mais l'opération propre à la religion étant d'assurer, de supposer que la filiation vient résoudre cette altérité essentielle, du même coup on pourrait dire que la filiation, l'affirmation de la filiation, est pas moins ce qui vient en quelque sorte tuer ce père- mais ce père comme père mort."

Les commentaires sont fermés.