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31.10.2012

Mûrir (2)

Mon ami, ne veux-tu donc pas être enfin sevré, et quitter le lait pour te nourrir de viande solide ? Veux-tu encore pleurer et crier après le téton de ta nourrice et regretter les contes et les chansons dont elle t'endormait ? (Epictète, in Entretiens, Livre II, XLII)

J'avais écrit un long texte, hier soir, peut-être intéressant, mais au demeurant fort dramatique. Aujourd'hui, j'en reviens à une plus juste mesure. Le monde est froid et injuste et nous sommes tels des feux follets brillant un instant, avant de disparaître à jamais. Mais au coeur de cette nuit glacée, pointent ici et là quelques heures de jour : une musique, une rencontre, un livre, un moment partagé. Mon problème, s'il en est un, réside dans ce désir que l'obscurité ne tombe pas à nouveau, que la lumière dure, éternellement, comme un gamin qui voudrait que la fête ne s'arrête pas. Il est d'ailleurs assez marquant que notre époque se veuille si obstinément festive, comme l'a analysé ce diable de Philippe Muray. Sans doute suis-je plus actuel que je ne voudrais me le faire croire... Il y a aussi chez moi ce raisonnement en "tout ou rien", idéalisme adolescent : s'il y a des pourris en ce monde, alors c'est le monde entier qui est pourri et il ne sert à rien de se battre pour une quelconque justice, de défendre quelque valeur que ce soit. Accepter enfin que les "montages" (Raymond Ruyer) humains sont imparfaits, bancals, à reprendre sans cesse, parce que toujours en "anticipation osée" sur le réel. Je suis quelqu'un d'intelligent, de très intelligent même (sans forfanterie aucune) et pourtant j'agis stupidement, depuis des années, sacrifiant ma vie sur l'autel de mes exigences névrotiques. Ou d'un caprice cosmique : "J'arrête de respirer tant que les choses ne sont pas exactement telles que je voudrais qu'elles soient !". Une bouffée d'air :

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Il est temps que je fasse mon stupide devoir. :-)

23.10.2012

Le Mur

Souviens-toi donc que, si tu crois libres les choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui dépendent d'autrui, tu rencontreras à chaque pas des obstacles, tu seras affligé, troublé, et tu te plaindras des dieux et des hommes. Au lieu que si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui, jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux ; tu ne te plaindras de personne ; tu n'accuseras personne ; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi ; personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible. (Epictète, in Pensées, IV)

L'existence se résume finalement à ce vis-à-vis permanent avec l'immensité, l'univers, "Dieu", pour ceux qui y croient. C'est un jeu, mais un jeu sérieux, où l'Autre ne répond jamais, où mon propre écho se perd dans le vide. Souvenir de Job. On peut se contorsionner de mille manières pour obtenir une réponse conforme à ses désirs, pour tricher, en somme. Et l'Autre ne répond toujours pas. Ecole de la nécessité. En ce moment, je flirte avec le jeu du perdant, de l'épave, du clochard divin. Espérer attendrir l'Autre en lui montrant combien je souffre, combien j'ai besoin d'être sauvé. Le christianisme repose là-dessus, au fond : l'homme est fragile et a besoin d'être sauvé ; la bonne nouvelle, c'est qu'il y a un Sauveur, qu'Il s'est sacrifié par amour pour tous les hommes et donc pour moi, créature insignifiante. Pourquoi pas. Mais je n'arrive pas à m'y prendre, à ce jeu-là, qu'on nomme religion.

Il reste un autre chemin, le plus dur et peut-être aussi le plus libérateur : se positionner en Adulte (pour reprendre la terminologie d'Eric Berne), face à l'Infini et décider de jouer loyalement. Il n'y a pas de raccourcis, pas de secrets, pas de "voie royale" pour vivre.

Suivre la bonne technique, en faisant un clin d'oeil taoïste au réel pour rendre hommage à sa parfaite imperfection, qui est aussi la mienne.